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Organiser le tâtonnement

« Nous sommes des univers passagers, dans l’univers qui s’éternise. »
Régis Jauffret

Cherchant à s’orienter, on prend le parti de saisir ce qu’on a à portée de main, ce qui flotte autour de soi, encore indécidé. Une image, une trace, un pli, un débris quelconque pourra faire l’affaire. Bien qu’infimes ou ordinaires, objets et traces collectés peuvent devenir des points de départ, des ponts, des sources, se déployer en un système solaire de sensations, de souvenirs, laissant présager, si l’on y prend soin, la possibilité d’une aventure.

Mots, objets, idées éparpillés devant soi dessinent un plan lacunaire. A partir de ces artefacts, on s’applique à formuler des hypothèses, cherchant à sonder l’absence et les possibilités qu’ils contiennent. Consciencieusement on bricole des unités de mesure et on extrapole. On entreprend l’exploration. On jette des bouées de fortune pour ancrer le présent, baliser son itinéraire ou s’inventer des détours à la surface des images, en marge des récits ou à la lisière du réel.

Passant de l’intime au lointain, on navigue un temps dans le sillage de cette pêche inespérée : on s’égare ainsi d’îles en îles sur un océan familial, on survole au ras du sol de multiples univers possibles, on saisit au creux de sa main des trous noirs devenus familiers... Car l’appropriation se fait aussi à travers les silences, les oublis, les blancs. Comme dans une page de texte, le blanc structure l’espace, permettant à des îlots de sens d’émerger, à des bribes de récits d’advenir, à un parcours de se déployer. A rebours, on amorce la reconstruction d’un monde.

C’est aussi en se perdant qu’on laisse des traces de son existence.